Lorsque l’on est aquariophile dans l’âme, il est très difficile de ne pas succomber à la beauté d’un aquarium marin, et en particulier à celle d’un aquarium récifal. La fusion des couleurs, la plénitude des madrépores et des alcyonaires posés tels des fleurs de la mer dans la tourmente des courants et des turbulences que produisent les pompes à eau, mais aussi la curiosité liée aux techniques mises en œuvre pour garantir le développement des animaux, sont autant d’éléments subjectifs et objectifs qui font franchir le cap et inoculent d’emblée le virus incurable de l’aquarium récifal.
Le sujet
La réussite d’un aquarium récifal repose sur quelques techniques éprouvées de longue date par les amateurs. Ces techniques, raisonnablement qualifiables de recettes comme le seraient de simples recettes de cuisine, assurent une réussite quasi-certaine quand on les respecte sans trop de compromis. Il est important de ne pas négliger les équipements minimums nécessaires, sous peine de ne jamais voir l’aquarium trouver son équilibre. Le maître mot de l’aquarium récifal est « proximité », c’est-à-dire l’interaction intime des éléments les uns entre les autres. Mais il n’y a pas besoin d’être chimiste, technicien, docteur, ou biologiste pour obtenir un bon résultat : il suffit d’être un aquariophile observateur et fort de son bon sens.
Cet article propose l’installation d’un aquarium récifal selon la « méthode berlinoise » destinée à héberger des madrépores (ou coraux durs) à petits polypes, c’est-à-dire les SPS (= « small polyp scleractinia »): principalement le genre Acropora et les autres scléractiniaires branchus. Ceci étant, cette approche convient à la maintenance de la quasi-totalité des invertébrés fixés tropicaux appréciant la lumière. C’est une technique éprouvée depuis plusieurs décennies, dans des volumes bruts de quelques dizaines de litres à quelques dizaines de mètres cubes. Ce n’est peut-être pas la plus novatrice, mais elle vous promet le développement le plus fiable et reproductible pour votre Écosystème captif.
La méthode berlinoise est originaire d’Allemagne. Elle a été conçue par l’Association d’Aquariophilie Marine de Berlin, qui compte dans ses rangs des membres célèbres comme Dietrich STÜBER, conjointement avec Peter WILKENS en Suisse. Cette méthode a bien entendu connu quelques aménagements au cours des années, et a bénéficié des apports technologiques de l’industrie aquariophile. Avant de détailler les éléments qui composent un aquarium récifal de type berlinois, je vous invite à les visualiser de manière générale.
Cuve principale et support
Désormais, il est assez courant et facile d’envisager la fabrication d’une cuve en verre sur mesure, adaptée à l’environnement de l’installation et surtout à des exigences qui peuvent paraître insignifiantes concernant l’écologie du système. Il est souhaitable de choisir une cuve en verre plus profonde que haute. Ces proportions permettent l’installation d’un décor volumineux et irrégulier, vital pour l’équilibre de l’aquarium récifal. Ainsi, le volume de pierres ne confinera pas les poissons et autres coraux dans un petit volume d’eau libre. Enfin, il est plus facile de dissimuler dans le décor les auxiliaires techniques, comme les pompes à eau, par exemple. Une bonne profondeur sera d’un effet beaucoup plus harmonieux et offrira davantage de perspective. Il est généralement considéré que la hauteur « idéale » ne dépasse pas 60 cm. En effet, cette hauteur :
– permet une bonne illumination de l’ensemble de l’aquarium par le système d’éclairage,
– facilite l’accès au plus profond de l’aquarium, pour déplacer facilement un animal par exemple, sans avoir besoin d’y tremper l’épaule et le cou !
En réalité, les techniques de plus en plus efficaces d’éclairage, mais également un agencement intelligent du décor conçu avec des plates-formes surélevées, autorisent des hauteurs d’eau plus importantes toujours en harmonie avec les proportions générales de l’aquarium. Dans ce cas, il est important de se référer aux normes de Saint-Gobain pour s’assurer de l’épaisseur des plaques de verre utilisées. Un volume proche de 300 à 400 litres semblent être un minimum pour s’assurer du confort.
Pour simplifier la gestion de la masse d’eau de l’aquarium, il est généralement conseillé de la déporter, grâce à un débordement, dans une cuve annexe qui se trouve sous l’aquarium, ou à côté, en fonction de la place, et qui sera divisée en au moins deux parties.
Débordement et cuve annexe
Avant le collage de la cuve, il est possible :
– de réaliser un perçage dans l’angle supérieur de l’une des vitres latérales et d’installer un peigne de débordement destiné à retenir les déchets risquant d’obstruer le passage
– de percer la vitre du fond et d’intégrer un boîtier de surverse et un peigne de débordement par lequel l’eau va s’évacuer.
Dans le cas où l’on ne souhaite pas percer ou lorsque l’on utilise un aquarium déjà collé, il existe des équipements manufacturés ou des bricolages très fiables permettant un trop plein et une connexion à la cuve annexe. Les différentes connexions entre la cuve principale et la ou les cuve(s) secondaire(s), comme le décanteur, sont généralement réalisées avec des tuyaux en PVC de canalisation. Il est généralement conseillé d’utiliser des tuyaux aux normes alimentaires mais de nombreuses installations fonctionnent avec du PVC classique sans aucun problème, même après de nombreuses années.
La cuve annexe est un aquarium plus petit que l’aquarium principal mais le plus grand possible : c’est toujours du volume d’eau utilisé à la dépollution. En tout cas, elle doit avoir la capacité de recueillir un tiers du volume total de la cuve principale en cas de panne Électrique ou en cas de panne de la pompe de remontée.
Précisons quand même qu’il est tout a fait possible de gérer un aquarium récifal sans avoir de cuve de décantation annexe, mais en localisant l’équipement dans l’aquarium lui-même. Il est même envisageable de se passer de décanteur : le système global de la gestion d’un aquarium récifal l’y autorise !
Support
Le support est généralement en métal traité contre la rouille, le plus protégé possible, ou alors avec des pieds en béton ou moellons par exemple. Bref, il faut un support solide, stable et bien horizontal.
Gestion de l’eau et philosophie générale
La gestion de l’eau dans un aquarium récifal est une action primordiale correspondant à une juste et bonne compréhension de quelques mécanismes simples, mais essentiels.
Les habitants de l’aquarium, la nourriture non consommée et les végétaux en décomposition représentent de la matière organique qui s’accumule dans l’aquarium. Dans une installation stable, cette matière organique empoisonnante est prise en charge par des cycles biologiques (comme le cycle de l’azote), qui transforment les déchets en matière moins toxique et exploitable par les hôtes. La méthode Berlinoise a l’avantage de s’appuyer sur des leviers écologiques naturels -là est réside son secret- pour transformer et exploiter cette énergie qui semble néfaste au premier abord, mais qui devient positive si l’on respecte quelques règles simples et très logiques.
Phase 1 – L’eau de mer
Généralement, on remplit son aquarium d’eau osmosée et on prépare l’eau de mer directement dans la cuve. Il est fortement conseillé de laisser tourner l’installation complète uniquement avec l’eau douce pendant 48 heures. Cela permet de vérifier et de s’assurer de l’étanchéité de l’ensemble du système. En cas de micro-fuite sur un raccord en PVC, il est possible de revenir en arrière. Paradoxalement, et même s’il s’agit bien sûr d’un aquarium qui hébergera des invertébrés, il est fortement conseillé d’opter pour un sel « pauvre », par opposition à une formule enrichie. Dans les premières semaines de vie de l’aquarium, l’eau contient en effet des nutriments à des concentrations telles que les oligo-éléments en surplus ne feront que faciliter la croissance des algues. Les sels enrichis seront éventuellement employés au moment des changements d’eau ultérieurs. Après quelques jours, l’aquarium et son circuit d’eau ayant été éprouvés quant à étanchéité, et mis à température (entre 24 et 25 °C), on va entrer dans le vif du sujet.
Phase 2 – Les pierres vivantes, filtre naturel
Dans les différentes phases d’installation d’un aquarium récifal avec la méthode récifale, celle des pierres vivantes est située en premier, car l’ensemble de la gestion de l’eau repose d’abord sur elles : les négliger, c’est rater son entrée en matière. Le rôle des pierres vivantes est vital. Elles sont une base indispensable à toute vie dans le milieu naturel qui nos intéresse, mais aussi dans de nombreux écosystèmes tempérée.
La roche est constituée de squelettes de coraux morts ou de conglomérats de sédiments durcis par le temps. La porosité d’une pierre est un bon indicateur de sa qualité. Plus elle est poreuse et plus elle est capable d’abriter les micro-organismes indispensables à la réalisation des cycles de dégradation.
L’intérêt essentiel des pierres vivantes se situe à l’échelle microscopique. En plus des nombreuses espèces d’organismes pluricellulaires qu’elles abritent, les pierres vivantes sont le support d’un grand nombre d’espèces de bactéries. Parmi celles-ci, on trouve les genres Nitrosomonas et Nitrobacter que l’on connaît bien, puisque ce sont les bactéries responsables de la nitrification (Ammonium – Nitrites – Nitrates). Ces bactéries sont présentes dans les nombreuses zones aérobies (contenant de l’oxygène) que recèlent les pierres vivantes. A proximité de ces zones aérobies existent des zones anaérobies (ne contenant pas d’oxygène) qui sont colonisées par des bactéries utilisant les nitrates comme source d’oxygène, participant ainsi à la dénitrification (Nitrates – Azote). Ces pierres vivantes, quand elles sont présentes en quantité suffisante vont jouer à la fois le rôle de filtre biologique et de dénitrateur. La proximité des zones aérobies et anaérobies permet aux nitrates qui sont formés, d’être au fur et à mesure, éliminés et le cycle de l’azote est ainsi bouclé. Ainsi, à condition que votre bac ne soit pas saturé en matières organiques, l’élimination des déchets sera prise en charge en grande partie par les pierres vivantes.
Bien souvent on détermine la quantité de pierres vivantes selon un rapport poids des pierres sur volume de l’aquarium. Il est préférable d’estimer les conditions idéales en volume d’occupation. Il est préconisé de considérer que les pierres vivantes doivent occuper les 1/3 du volume de la cuve. Il est possible d’associer les pierres vivantes avec des « pierres mortes » pour diminuer l’investissement. En effet, les « pierres mortes » deviendront vivantes par effet de la colonisation, mais cela reculera d’autant l’équilibre et la stabilité de l’écosystème captif. Attention aux fausses économies !
Avant d’installer dans l’aquarium les pierres vivantes plutôt légères et poreuses, il faut les nettoyer et les débarrasser des organismes morts pendant le transport, comme les éponges, et enlever également les prédateurs comme les crabes. Il faut ensuite rincer les pierres avec de l’eau de mer à température raisonnable (25 °C) et brosser délicatement les zones douteuses.
Les pierres vivantes ainsi préparées sont ensuite disposées à même le sol de l’aquarium et non pas sur une couche de sable qui pourrait alors devenir un zone de pollution car susceptible de réactions anoxiques se produisant dans les couches sableuses enfermées sous les pierres. Elles pourront également être disposées sur des plaques de verre préalablement collées en escalier, ou alors, disposées sur des jambages en PVC, par exemple, permettant ainsi un bon passage du courant et évitant des zones d’accumulation de déchets divers.
Phase 3 – les auxiliaires techniques
L’écumeur
Une fois les pierres vivantes installées dans l’aquarium, il est urgent de mettre en fonction les éléments techniques qui équipent l’aquarium. Le premier d’entre eux est l’écumeur. Il élimine les substances polluantes que les pierres vivantes vont larguer dans l’eau. Il joue également un rôle de stabilisateur ou régulateur de gaz dissous par un échange efficace avec l’atmosphère. L’équilibre oxygène/gaz carbonique est vite atteint et stabilisé, ainsi que le pH de l’eau.
L’objectif est de mettre en contact de l’air et de l’eau. Les substances nutritives et colorantes, ainsi que les matières organiques, ont la faculté de se coller sur l’interface air-eau. L’écume ainsi chargée de matières organiques est alors entraînée hors de l’écumeur dans un récipient.
Les premiers écumeurs sont à contre courant. L’air est fourni par une pompe alors que le flux contraire de l’eau est aspiré par une pompe … Ce type de technologie est ancien mais mérite encore que l’on s’y intéresse dans le cadre d’un bricolage, par exemple. Il est efficace à moindre coût. Il existe d’autres types d’écumeurs :
– Ecumeurs à venturi : un injecteur venturi force le passage de l’eau à travers un petit trou qui conduit à un tube plus large, ce qui crée une dépression qui permet une aspiration d’air par un petit trou près de la sortie du petit tube. Les écumeurs à venturi nécessitent de grosses pompes à forte pression pour fonctionner correctement.
– Ecumeurs avec aspiration forcée d’air : ce sont des écumeurs à venturi qui fabriquent les bulles en dirigeant l’air, soit sur le rotor, soit sur une roue spécialisée à aiguilles (ou pics) qui coupe l’air en de très fines bulles semblables à celles que l’on trouve dans les écumeurs à diffuseur. Un miracle d’efficacité !
Vous l’aurez donc compris, cet équipement est quasi magique et indispensable. Il est important de ne pas le négliger tellement la santé de l’aquarium berlinois repose dessus. D’une manière générale, les fabricants surestiment les capacités de traitement d’un écumeur, et il faut souvent diviser par trois les valeurs indiquées pour assurer une bonne maintenance de madrépores (coraux durs).
Dans un aquarium équipé d’une cuve annexe, il existe un certain nombre de modèles qui se tiennent. Les modèles internes nous intéressent dans ce cas précis. Ils seront installés dans le premier compartiment du décanteur afin de bénéficier d’un niveau d’eau constant et surtout d’agir en premier ! Les aquariums équipés de décanteurs internes ou sans décanteur peuvent bénéficier de modèles internes ou externes : le choix est immense car les techniques ont vraiment progressé en quelques années dans ce domaine. Il existe quelques bricolages intéressants qui ont fait leur preuve, bien souvent réservés aux bricoleurs invétérés. Le SuperSkimmer de Claude HUG en est un digne représentant.
Le brassage
Voilà encore un point important ! Le brassage dans l’aquarium consiste à reproduire un événement naturel qui a plusieurs fonctions complémentaires. Le brassage permet d’apporter des aliments et des substances nutritives aux animaux fixés, de les débarrasser de leur mucus excédentaire et de leurs déchets. Le brassage permet également le contact air/eau en surface assurant ainsi l’oxygénation, il favorise la filtration mécanique en assurant la mise en suspension des déchets, il fournit un exercice physique aux poissons, il homogénéise les conditions physico-chimiques (température, densité, etc …). Bref, le brassage reproduit le dynamisme que l’on rencontre sur le récif.
Il est donc évident que ce dynamisme doit être reproduit dans l’aquarium. Il existe plusieurs outils pour générer du courant. Les pompes à eau couramment utilisées sont petites et peuvent être implantées dans le décor avec facilité. Elles peuvent être pilotées par des séquenceurs de pompes ou par des minuteurs. Les courants sont alors considérés comme alternatifs, tel le flux des marées. Il existe également des générateurs de pulsations associés à des pompes particulières (asynchrones). Elles sont peu nombreuses sur le marché et assez chères. Elles sont les seules à générer une houle. Il est d’usage de réaliser un volume de brassage correspondant à 10 fois le volume de l’aquarium, c’est une moyenne. Au fil des ans, il est courant que le brassage devienne insuffisant tellement les coraux poussent et deviennent de véritables barrières, imposant parfois de placer de nouvelles pompes.
Dans notre installation, les pompes seront placées dans les extrémités, en haut, opposées les unes aux autres afin de créer des courants contradictoires et turbulents. Il est d’usage de légèrement diriger le flux vers la surface de l’eau afin d’améliorer les échanges gazeux. Il est également possible de positionner une ou deux pompes dans le décor afin améliorer la mise en suspension des sédiments dans l’eau. Il faudra veiller à laisser les pompes accessibles pour les nettoyer assez régulièrement. Il est important de mettre des crépines aux pompes afin d’éviter qu’un animal ne se fasse prendre, blesser ou tuer.
La température
La température joue 2 rôles biologiques essentiels. En premier, la température corporelle des animaux que nous hébergeons dépend de la température de l’environnement. En second, la solubilité de l’oxygène dépend également de la température de l’eau. Elle diminue lorsque la température augmente.
La température de l’eau est en réalité un souci qu’il faut avoir avant même de mettre les pierres vivantes dans l’aquarium. Il existe des résistances électriques scellées hermétiquement dans un tube en Pyrex. Il existe toutes les puissances, mais 1 watt par litre dans une ambiance froide et 1 W pour 2 à 4 litres dans une ambiance chaude suffiront pour correctement chauffer votre aquarium. Cet équipement devra être installé dans une zone bien brassée ; dans le décanteur, près de l’écumeur par exemple ou proche de l’arrivée d’eau.
La lumière
La lumière est un autre pilier pour la survie des coraux dans l’aquarium. Ceux-ci tirent directement bénéfice de l’Éclairement ou plutôt, ce sont les zooxanthelles, algues unicellulaires qui vivent dans les tissus des coraux et avec qui ils opèrent une symbiose. Par leur métabolisme lié à l’éclairage, les zooxanthelles apportent à leur hôte énergie et ressources alimentaires.
Pour avoir une idée de la lumière sur le récif corallien, on peut dire que la moyenne annuelle de l’Éclairement en surface correspond à 21 tubes fluorescents blancs haut rendement de 36 watts par mètre carré (Stéphane Fournier, communication personnelle) !!! Sur les récifs, les animaux (coraux) vivent en général assez près de la surface et sont ainsi exposés à un éclairement peu différent de la lumière du jour. Le spectre est donc très bien équilibré.
Il existe deux sources lumineuses qui ont démontré leur efficacité :
– les tubes fluorescents : il sont adaptables à des aquariums d’assez petite taille, ou tout au moins, d’une hauteur réduite (50 cm ou moins). Ils sont également adaptables à un écosystème comprenant des animaux assez peu exigeants en matière d’éclairement. D’une manière générale, une association de Daylight Haut Rendement (pour l’éclairement) et de Daylight Haute Définition (pour le recouvrement du spectre) à raison de 1:1 environ (en W), fournira une source »lumière du jour » très acceptable si on ne veut pas utiliser une solution plus pointue
– les HQI : ils sont bien adaptés à l’aquarium récifal en produisant un éclairage puissant pour des animaux gourmands et exigeants. Il existe pléthore d’ampoules HQI à des températures de couleur assez variées. De 5 200, 6 500, 10 000 ou 20 000 K (Kelvin). 5 200, 6 500 K sont considérés comme étant proches de la lumière du jour avec un spectre équilibré … Le spectre des ampoules 10 000 K est très riche dans les bleus, ce qui induit un aspect visuel très intéressant et proche de celui régnant dans le récif par 5 mètres de profondeur. Sous ces ampoules, les coraux s’épanouissent, poussent et revêtissent une coloration des plus agréables.
L’optimisation de l’éclairage a son importance et passe, par exemple, par des détails très importants. L’usage des tubes fluorescents sera par exemple amélioré s’ils sont utilisés avec une alimentation électronique (type Quicktonic d’Osram). Leur durée de vie sera allongée, la consommation électrique réduite. Des réflecteurs placés sur les tubes réduiront les pertes lumineuses. Pour les HQI, il est très important de privilégier les réflecteurs grand-angle qui déconcentrent le flux lumineux en le répartissant mieux.
La photopériode doit être d’environ 10 à 12 heures avec un allumage et une extinction progressive grâce à des tubes bleus par exemple.
Un dernier détail qui a son importance, il faut mettre en fonction la pompe principale de remontée dans le cas d’une cuve annexe afin d’assurer le circuit d’eau. Vous voilà fins prêts à lancer la machine. L’ensemble des auxiliaires techniques en place, il faut maintenant commencer une première phase de rodage qui consiste à faire dégorger les pierres vivantes, éliminer le plus de sédiments, et commencer à stabiliser le cycle de l’azote. Vous l’avez remarqué, nous n’avons pas encore installé le sable, et pour cause, il deviendrait gênant dans cette première phase. Les premiers jours passants, suivant la qualité des pierres, l’eau, sans doute trouble, s’éclaircit progressivement grâce à l’action de l’écumeur. Il faut d’ailleurs nettoyer sa coupelle quotidiennement. Pendant cette période, tous les deux ou trois jours, vous devez siphonner les sédiments qui vont s’accumuler dans des coins de l’aquarium, sous les pierres vivantes, sans hésiter à bouger un peu la position des pierres afin d’optimiser le décor. Il est conseillé d’ajouter une masse de perlon dans des zones stratégiques du décanteur ou proches de la prise d’eau afin de récolter la maximum de sédiments. Il faut nettoyer quotidiennement cette masse filtrante qui doit rester mécanique et non pas biologique.
L’éclairage est allumé de manière progressive un peu plus chaque semaine par tranche de 2 heures par exemple (2 heures la première semaine, 4 heures la seconde, 6 heures la troisième). Vous pouvez Également utiliser du charbon pour absorber quelques éléments jaunissants, mais attention à la qualité de celui-ci. Seuls quelques charbons sont en réalité propres « à la consommation », car beaucoup renferment plus de phosphates (que nous évitons) qu’autre chose. Vous pouvez envisager de faire un test de nitrites, nitrates et pH pour vérifier l’État de la situation, mais l’aspect visuel et « les odeurs » devraient être de bons repères pour connaître l’état de santé de votre aquarium. L’œil, l’odorat et l’observation sont sûrement les meilleurs moyens d’évaluer l’état de santé d’un aquarium. Plus ou moins trois semaines après, nous pouvons installer notre sable.
Phase 4 – Le sable
L’intérêt d’un lit de sable est son phénomène de diffusion comme nous l’avons vu pour les pierres vivantes. Le même cycle de l’azote s’élabore au premier niveau de la couche de sable ; ensuite, dans les couches inférieures plus faibles en teneur d’oxygène, se réalise un effet de dénitrification par la consommation de l’atome d’oxygène.
En fait, la dénitrification fait d’une pierre deux coups. Pour produire des enzymes qui réduiront les nitrates en respirant leurs atomes d’oxygène, les bactéries utilisent comme source organique les détritus piégés dans le substrat et des composés dissous (d’après Sprung, 1996) : autant de pollution latente qui ne s’accumulera pas. La décomposition des matières organiques pendant la dénitrification produit des carbonates et du dioxyde de carbone. Les premiers augmentent directement l’alcalinité, et le dernier réagit avec le substrat calcaire et le dissout. Les acides produits pendant la nitrification agissent également en ce sens. Ce phénomène n’est pas marginal, car il peut être nécessaire de compenser la dissolution dans l’aquarium en y ajoutant régulièrement du sable de corail. Le seul inconvénient potentiel est la libération éventuelle des phosphates liés au substrat. Ce désavantage est minime car ils ne tardent pas à précipiter sous forme de phosphates de calcium si le pH est assez élevé dans l’aquarium. Voilà pour l’aspect biologique du système.
Il est important de choisir un sable de corail calcaire en évitant par exemple le sable de Maërl. Le sable d’aragonite, directement composé de débris coralliens, semble être idéal. La granulométrie sera de l’ordre de 3 à 6 mm et sans arête vive (pour ne pas blesser les poissons fouisseurs). Une épaisseur de 3 à 4 cm suffit. Il s’agit donc de déposer le sable en respectant cette épaisseur et en entourant les pierres vivantes.
Phase 5 – L’introduction des premiers animaux
Notre installation serait parfaite à quelques détails près. La méthode berlinoise repose sur des mécanismes biochimiques et écologiques naturels, et les interactions qui existent entre les êtres vivants et leur environnement. Notre installation sera proche de l’idéal lorsque nous aurons introduit quelques animaux bien choisis, véritables équipe d’entretien de notre écosystème captif. L’ensemble des mers du globe comprend environ 20 000 espèces de poissons. La diversité des invertébrés marins est 25 fois supérieure, soit 500 000 espèces. Les plus nombreuses d’entre-elles identifient des individus aussi nombreux que différents : les polychètes (vers tubicoles, etc), les crustacés (crevettes, crabes, etc), les mollusques (escargots, etc) et les échinodermes (oursins, étoiles de mer, etc) présentent sur le récif corallien des taux de population très supérieurs aux animaux, poissons et invertébrés fixés, qui peuplent en priorité la plupart des aquariums. Et oui, cette population si importante en nombre sur le récif doit indiscutablement trouver sa place dans notre aquarium. Le contrôle des algues est un problème de taille dans le récif corallien et dans l’aquarium récifal. La forte luminosité des zones peu profondes est, malgré des nutriments à des concentrations très faibles, propice au développement des végétaux les plus productifs de l’écosystème. Les poissons se chargent souvent d’en réduire la taille mais des auxiliaires complémentaires se chargent de finir le travail.
Revenons à notre installation et considérons que l’équilibre commence à s’effectuer. Nous pouvons donc envisager après l’introduction du sable, d’acclimater les premiers pensionnaires invertébrés. La star des « goûteurs » d’herbe est Astraea à dos conique, importé des Caraïbes. Cet escargot a des formes et des tailles assez diverses. Il ne faut pas nier qu’il est relativement fragile mais que dans de bonnes conditions il est susceptible de se reproduire. Julian Sprung et J. Charles Delbeek préconisent un individu pour 4 litres d’eau. Trochus est également un escargot herbivore un peu plus gros. Turbo fera également l’affaire. Les chitons (Chiton spp et Acanthopleura spp par exemple), au corps ovale et plat, accompagnent souvent les pierres vivantes en provenance des Caraïbes et sont de bons végétariens d’appoint. Les patelles (« chapeaux chinois ») et leur variante au sommet troué (Hemitoma spp ou Diodora spp) font le ménage autour de leur domicile.
Quelques échinodermes peuvent participer au service de nettoyage, en particulier, ceux friands d’algues. Leur principal défaut est leur capacité à dévorer également les algues calcaires (roses) que nous tentons de faire pousser !
Enfin, les petits bernard l’ermite (communément nommés par les aquariophiles pattes bleues ou pattes rouges) sont de très bons herbivores et éboueurs de l’aquarium. Leur présence est quasi-obligatoire en assez grande quantité.
Les Étoiles de mer (ophiures) ont également un rôle essentiel à jouer comme transformateurs de sédiments et de déchets.
Et après …
L’installation est terminée et la période de rodage est largement entamée. Il faut encore attendre quelques semaines pour que la stabilisation soit parfaite, en continuant d’observer de très près les évolutions. Il est assez merveilleux d’observer les transformations physiques, les changements de couleur, les phases de pousse et de réduction des algues, de voir le sable occupé par des vers et toutes sortes de petits crustacés qui courent également sur les pierres vivantes, et d’observer la colonisation des algues calcaires qui prennent le dessus sur des algues supérieures vertes. Bref, les rouages se mettent en place !
En réalité, il y a une suite à cette installation mais que je ne vais pas détailler dans cette intervention. Elle correspond au jour où vous allez introduire les animaux pour lesquels vous avez pris tant et tant de précautions. Le choix en cette matière est affaire de goût, soit, mais également il doit correspondre à un choix écologique au sens de l’aquarium, puisque parfois, tels et tels animaux ne seront pas compatibles, ou tel autre nécessitera des soins auxquels vous n’êtes pas prêts. Il est très important de vous informer sur les espèces qui vous font envie et sur leurs besoins respectifs, et ceci, même avant l’installation de votre aquarium.
Dans le cas de l’aquarium récifal destiné à accueillir des coraux à petits polypes, il est courant d’ajouter des auxiliaires techniques quelques mois après l’installation et de recourir à l’ajout supplémentaire de quelques oligo-éléments.
Strontium et oligo-éléments
Le strontium est un élément majeur (8 mg/l) dans l’eau de mer et voit sa concentration décroître rapidement en aquarium. Il se retrouve dans le squelette calcaire des coraux durs. Des solutions du commerce permettent d’assurer le manque. L’iode est également un élément important qu’il faut ajouter via une solution du commerce ou une solution d’iodure de potassium à 10 %. Une solution de Lugol peut également être utilisée (à commander en pharmacie). Il est également possible d’ajouter tous les autres oligo-éléments grâce à des solutions du commerce.
Eau de chaux, réacteur à calcium
Tous les aquariophiles récifaux ont entendu ou entendront parler de l’apport d’eau de chaux, véritable magie mis au point par Peter Wilkens. Cette technique permet un apport d’ions calcium utiles aux coraux durs, et en moindre mesure, aux coraux mous. Elle permet également de remonter le pH. L’apport d’eau de chaux favorise la régénération des bicarbonates et donc, de maintenir une certaine dureté carbonatée. Enfin, cet apport neutralise les phosphates en les précipitant sous forme de phosphates de calcium insolubles. L’apport idéal d’eau de chaux est effectué grâce à l’usage d’un réacteur à calcium. Le principe est de dissoudre de la chaux avec de l’eau osmosée. généralement l’ensemble de l’Évaporation est remplacé par l’eau de chaux.
Réacteur à calcaire
Le principe est de dissoudre un support calcaire (sable de corail ou d’aragonite) grâce à du gaz carbonique. Le support est alors transformé en calcium et en bicarbonates. On utilise un réacteur qui possède une chambre dans laquelle circulent l’eau et le gaz carbonique, et une petite partie d’eau se déverse dans l’aquarium. Attention, l’apport de gaz carbonique exagéré peut conduire à une baisse du pH et participer à l’apparition d’algues indésirables. L’usage d’un communication électronique couplé à une électrovanne réduit les risques.
Solutions complètes
Il existe également des solutions complètes d’apport de calcium et de carbonates / bicarbonates sous forme de chlorures de calcium et de carbonates et bicarbonates de sodium. Ces solutions sont complétées avec le strontium, l’iode et l’ensemble des oligo-éléments généralement rencontrés.
Voilà donc une vision superficielle et minimum pour démarrer un aquarium récifal de type berlinois et plutôt destiné à héberger des coraux constructeurs de récifs. Il est bien sûr évident que chaque partie de cette synthèse exiges un développement complet. Il existe une importante bibliographie et de nombreuses publications sur l’ensemble des thèmes que nous avons abordés : continuez vos recherches, lisez, confrontez vos idées avant de vous lancer dans cette formidable aventure !
Philippe Royer
Merci à Yannick Ghignon pour les images, et visitez son site Immersion.
Merci aussi à David Excoffier pour certaines des photos.