Voici une liste des termes dont la compréhension est indispensable à la bonne pratique du récifalisme à la Berlinoise.
Alcalinité : Aussi appelée dureté carbonatée, TAC (Titre Alcalimétrique Complet) ou pouvoir tampon. En récifal, on en donne en général la mesure en degrés allemands, dont le symbole est dKH (Karbonat Harte). On utilise aussi les degrés français ou KH.
1 KH = 1.78 dKH = 0.357 meq/l
Le milliéquivalent par litre est une mesure surtout utilisée par les Anglo-Saxons, il est utile d’en connaître l’existence avant d’aller surfer sur les sites et les forums anglophones.
La valeur recommandée dans un aquarium récifal tourne autour de 7 à 10 dKH.
Cette valeur élevée permet d’assurer la calcification des coraux durs et se mettre ainsi à l’abri des variations brusques du pH.
Buffer : Préparation destinée à augmenter l’alcalinité. Le plus simple étant d’utiliser les préparations toutes faites du commerce, bien qu’étant d’un coût supérieur. La proportion de ces produits tout fait est en général du genre: 100g de Bicarbonate de Sodium (NaHCO3), 20g de Carbonate de Sodium (Na2CO3) et 3g de Borate de Sodium.
Mais, fait étrange, le Borate n’est pas ou peu consommé par nos locataires, même s’il entre dans la composition de l’eau de mer ( typiquement 4.5 mg/kg d’eau de mer ) Il semblerait donc que le Borate qui est un puissant tampon, ne soit là que pour augmenter le KH mesuré par nos tests, mais qu’il ne soit pas utilisé ! Et donc qu’il s’accumule dans nos bac …
Par extension et abus de langage, on désigne aussi par ce terme les composants carbonatés constituant l’alcalinité de l’eau de mer.
Chlorure de Calcium : (CaCl2) Ce composé est utilisable en ajout direct dans l’eau du bac. Sert à augmenter le taux de Ca mais n’a aucun effet sur l’alcalinité. Voir ici pour les équations chimiques.
Eau de chaux : Mélange saturé en hydroxyde de calcium : Ca(OH)2. La saturation est obtenue avec 1.5 g/l à 25°C. Riche en calcium (814 mg/l à saturation) et après recombinaison avec le CO2 du bac, c’est une source idéale en alcalinité (présence d’ions hydroxydes OH– d’où en combinaison avec le CO2 du bac : CO2 + OH– –> HCO3– soit du bicarbonate.
Le pH est de 12.45 à 25°C.
La fabrication de l’eau de chaux est extrêmement simple : il suffit de mélanger 1.5 g d’hydroxyde de calcium par litre d’eau osmosée. Le mélange devra se faire autant que possible à l’abri de l’air donc dans un récipient hermétiquement fermé et rempli à ras bord. Une fois le mélange fait, on attend sa décantation parfaite, puis la partie claire (l’eau de chaux) est dispensée en goutte à goutte dans le bac. La partie blanchâtre (le lait de chaux) n’est pas à utiliser car trop concentrée et on risque une précipitation locale.
Il possible de fabriquer de façon plus automatisée et moins fastidieuse cette eau de chaux grâce à un réacteur à calcium. Les amateurs pourrons trouver toutes les équations chimiques à cet endroit.
Son usage a été introduit par Wilkens en 1970. De plus l’eau de chaux a comme autres avantages de précipiter les phosphates inorganiques et de favoriser l’écumage. Alors pourquoi s’en passer ?
Méthode Berlinoise : Mise au point par des aquariophiles Allemands (et plus précisément… Berlinois) avec à leur tête Peter Wilkens il y a une vingtaine d’années. Cette méthode est relativement simple à mettre en oeuvre, et donne des résultats satisfaisants, reproductibles et viables sur le long terme, pour peu qu’on en suive les basiques à la lettre :
– Un décor composé de pierres vivantes (PV) à raison de 15-20 kgs par 100 litres ou 1/3 du volume brut du bac. Ces pierres sont réellement le rein du bac et assurent la réalisation correcte d’un cycle de l’azote complet : matières organiques > ammonium > nitrites > nitrates > azote, l’azote étant relargué sous forme gazeuse. Ce cycle complet est réalisé consécutivement par des bactéries aérobies (qui ont besoin d’O2 pour vivre) à la surface des PV et ensuite par des bactéries anaérobies (qui elles n’ont pas besoin d’O2 comme carburant) au cœur même des PV. Ces PV, si elles sont de qualité, apporteront en même temps une multitude d’organismes indispensables au fonctionnement d’un bac équilibré (vers en tout genre, mysis, copépodes, …).
– Ce système de purification est aidé par un écumeur qui extrait les composés organiques de l’eau avant leur décomposition. Le principe est simple : on crée le plus possible de micro bulles dans une colonne. Ces bulles ‘attirent’ ces composés par un phénomène d’attirance électrique qui se fait à l’échelle atomique. L’écume, formée de ces bulles ‘sales’ est ensuite collectée dans une coupelle. De plus l’écumeur, par le brassage énergique et l’injection d’air en grande quantité, aide les échanges gazeux.
– Un système d’apport de calcium et de maintien de l’alcalinité. En général, on commence par des apports manuels (chlorure de calcium et buffer en poudre). Outre la lassitude inhérente à ce type d’intervention quasi-quotidienne, cette méthode induit immanquablement un déséquilibre ionique (voir ici pour l’explication et les équations chimiques). Avec un bac contenant des coraux durs, on passe rapidement à des méthodes plus automatisées (réacteur à calcium, réacteur à calcaire) mais de mise en oeuvre plus complexe. Il existe aussi des solutions bi-composants dont la distribution peut être automatisée.
– L’éclairage joue un rôle déterminant dans la mesure où la lumière est littéralement l’aliment principal de la plupart de nos hôtes (je parle des coraux, les autres locataires demandant des nourritures plus concrètes). En effet la plupart des coraux maintenus dans nos bac vivent en symbiose avec une catégories de micro algues (les zooxanthelles). D’où cette nécessité d’avoir un éclairage adéquat (en puissance et en fréquence). 1 Watt par litre est une bonne base. N’utilisez que des moyens d’éclairage dédiés à l’aquariophile, pour des raisons de sécurité et d’efficacité.
– Last but not least, le brassage : 10-15 fois le volume du bac par heure est une bonne base. Il peut être non constant, bien que nombre de nos coraux viennent de zones où les courants sont en général plutôt constants. Le brassage permet, en outre, un bon échange gazeux en surface.
Voilà l’indispensable pour la méthode Berlinoise, on peut y ajouter l’osmolateur, le charbon actif et les ajouts d’éléments tels que Strontium, Iode et Oligo-éléments et le tableau sera complet.
Osmolateur : Système assurant la remise à niveau automatique du niveau de l’eau dans le bac, afin de conserver les paramètres (la salinité en particulier) les plus constants possible. Composé en général d’un capteur de niveau, situé dans la décantation, commandant une pompe injectant de l’eau osmosée dans le bac. L’évaporation dans un bac récifal est importante (1 à 3 % du volume total par jour, en fonction de la chaleur, de l’humidité ambiante et du mode de refroidissement). Cependant, cette évaporation est bénéfique car elle permet l’ajout d’eau de chaux. En effet, l’eau osmosée, avant d’arriver dans le bac, passe dans un réacteur à calcium qui la chargera en calcium et en buffer. Un schéma de principe et un exemple de montage visibles là.
Réacteur à Calcaire (RAC) : Volume hermétiquement clos, dans lequel un substrat calcaire (sable de corail ou aragonite, carbonate de calcium ou calcite. La calcite étant potentiellement plus pure car exempte de phosphate, mais plus difficile à dissoudre) est lentement dissout dans un milieu acide (de l’eau prélevée dans le bac, acidifiée dans le réacteur par injection de CO2). L’eau enrichie en calcium et buffer est ensuite réinjectée dans le bac, en goutte à goutte. L’avantage de ce système par rapport au réacteur à calcium est une efficacité très nettement supérieure en terme de production de Ca et d’alcalinité. En effet, grâce à la présence de CO2, les ions hydroxydes OH– se recombinent directement en HCO3– (bicarbonate). Par contre, si le CO2 est injecté en trop grande quantité dans le réacteur, il peut ne être consommé complètement et des quantités résiduelles peuvent être injectées dans le bac, ce qui favorisera les poussées d’algues et peut faire baisser le pH. Dans l’idéal, on contrôle le pH du milieu acide avec un pH-mètre qui pilote l’injection du CO2 par l’intermédiaire d’une électrovanne. Une autre solution peut être de contrôler le pH du bac et d’arrêter le RAC que lorsque la valeur du pH du bac passe sous le seuil que l’on a fixé à l’avance.
La réaction mise en jeu est :
CaCO3 + H2O +CO2 –> Ca++ + 2HCO3– .
Un autre avantage du réacteur à calcaire est qu’en cas d’utilisation de sable de corail comme substrat à dissoudre, on assure l’apport de Strontium en même temps que l’apport de Calcium et de tampon.
Réacteur à Calcium : Volume hermétiquement clos dans lequel se fait le mélange [hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) + eau osmosée]. Le mélange est fait grâce à une pompe travaillant en circuit fermé, ou par un agitateur magnétique. Ce mélange saturé en hydroxyde de calcium (eau de chaux) sert lors de la remise à niveau de l’eau (dans le cas d’un système automatisé de compensation de l’évaporation, on parle d’osmolateur) afin de compenser la consommation en calcium et en alcalinité des coraux durs et des algues calcaires.
Les réactions chimiques sont :
Lors du mélange de l’ hydroxyde de calcium dans l’eau pure pour fabriquer l’eau de chaux :
Ca(OH)2 –> Ca++ + 2 OH–
Les ions OH– sont aussi appelés ions hydroxydes.
L’eau de chaux a besoin de deux molécules de CO2 afin de libérer le calcium et les
bicarbonates :
(Ca++ + 2 OH–) + 2 CO2 –> Ca++ + 2HCO3–
Si l’ eau de chaux ne trouve pas assez de CO2 lors de son introduction dans l’eau du bac, il y aura précipitation de carbonate de calcium :
(Ca++ + 2 OH–) + CO2 –> Ca++ + CO3— + H2O –> CaCO3 + H2O
Si l’ajout d’ eau de chaux se fait trop rapidement, celle-ci se recombine en carbonate de calcium avec le Calcium et les bicarbonates déjà présents dans l’eau :
(Ca++ + 2 OH–) + Ca++ + 2HCO3– –> 2 Ca++ + 2 CO3— + 2 H2O –> 2 CaCO3 + 2 H2O
Solution bi-composants : Il s’agit de 2 solutions à ajouter régulièrement dans le bac en égale quantité afin de maintenir les taux de calcium et l’alcalinité à leurs niveaux optimaux.
Les concentrations en calcium et en buffers sont très élevées en comparaison de celles de l’eau de chaux (entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines de fois !). Elles permettent donc d’assurer des taux optimaux même en cas d’évaporation très faible.
Il existe plusieurs méthodes, les plus connues étant :
-# La méthode NaCl / NaHCO3 :
La première solution contient les buffers, aptes à maintenir l’alcalinité souhaitée.
La deuxième solution est en fait du chlorure de calcium.
Les réactions chimiques concernant le calcium sont :
CaCl2 + Na2CO3 + CO2 + H2O –> Ca++ + 2HCO3–+ 2NaCl
et CaCl2 + 2NaHCO3 –> Ca++ + 2HCO3– + 2NaCl
Le principal problème de cette méthode est qu’elle conduit inexorablement à un déséquilibre dans la balance ionique (accumulation de chlorure de sodium NaCl). Les effets à long terme de ce déséquilibre sur nos locataires sont encore mal connus, et seuls des changements d’eau peuvent y remédier.
-# La méthode bi-composants ‘améliorée’ :
Le principe reste le même, mais les ions d’accompagnement sont différents, retardant ou diminuant ainsi leurs effets néfastes. On peut aussi rajouter des oligo-éléments à la formulation.
On évite ainsi l’accumulation de NaCl et les apports toujours fastidieux d’oligo-éléments et autres Iode, Strontium et Magnésium.
L’idéal, si l’on choisit ce type de technique, est d’assurer l’apport des solutions dans le bac grâce à deux pompes doseuses, ce qui évitera la lassitude et donc le relâchement inévitable dans la régularité de maintenance du bac.
Symbiose : D’après le Larousse : «Association de deux ou plusieurs organismes différents, qui leur permet de vivre avec des avantages pour chacun».
En pratique dans les coraux, une algue (Zooxanthelle) fournit de l’O2 (par photosynthèse) le jour ainsi que d’autres composés plus complexes (glucose, lipides, acides aminés…) au corail. En contrepartie, l’algue profite des déchets azotés produits par le corail. Magique non ? C’est ce mécanisme si particulier qui fait que les coraux ‘symbiotiques’ (tous les coraux durs et certains mous, ainsi que certaines Gorgones) peuvent vivre en quasi autarcie, pour peu que la lumière soit suffisante … Mais depuis peu, on s’accorde à penser qu’un animal dont 90% du corps est dédié à la capture et à la digestion de nourriture doit quand même puiser une partie de ses ressources dans autre chose que dans cette symbiose. C’est pour cela qu’on introduit de plus en plus dans nos bac des compléments en phyto ou zooplancton (séchés sous vide, congelés ou frais). De plus, il est certain que les apports en nourriture destinés aux autres locataires (poissons, crevettes, Bernard l’Ermite, …) profitent aux coraux, ou en tout cas ne les laissent pas indifférents, au vue de leurs réactions variées (ouverture / fermeture des polype, ou extension / rétraction des tissus).
Zooxanthelles : Algue unicellulaire vivant en symbiose avec les coraux l’hébergeant.
Les équations chimiques illustrant le fonctionnement des réacteurs à calcaire et à calcium ainsi que les solutions bi-composants sont largement inspirées des articles de S. Fournier et N. Leclercq cités dans la bibliographie.